Joris Iven

HUITS HEURES

 

 

Très souvent je me suis assis au bureau à huit heures.

J’ai allumé la lampe. Je me suis penché sur la feuille

Blanche et les mots dansaient devant mes yeux. Très souvent

j’ai alors pensé à de grands exemples. A Isaac Babel,

par exemple, qui écrivait qu’aucun fer ne pouvait transpercer

d’une manière aussi glaciale un cœur humain sinon un point placé au moment

exact. Ce genre de phrases me venait à l’esprit et je ne mettais rien par écrit.

J’ai voulu me lier à tout, or point à une femme,

une maison, une forme. Alors je pensais, continue, ne t’appesantis pas,

ne traînasse pas. Le temps est passé bien vite depuis huit heures,

lorsque j’allumais la lampe et vins m’asseoir ici. Je ne lus, ni

ne parlai. Avec qui perlerais-je entièrement seul dans cette maison?

Très souvent j’ai pensé que la parole non prononcée

pouvait réaliser plus que l’acte le plus puissant. Or quelle que fût

la force dont je trimais, je n’ai jamais écrit une seule ligne

qui sût que j’existasse. Très souvent j’ai voulu me lever et me

livrer à la vie. Parfois le courage me manquait

à cet effet, une autre fois j’avalais ma crainte. Mais j’ai toujours

éprouvé la vie comme lassante; point l’écriture.

Quelquefois tout devenait soudain clair au-dessus d’une

feuille. Pour ce moment unique je me suis assis des heures

au bureau. Car chaque fois que j’ai vécu, je me suis

dépassé moi-même. Je levai la tête et il était huit heures.

 

 

 

Traduction : Bernard de Coen

 

 

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