Joris Iven |
LA MAISON SUR LE REMPART
Depuis toujours les maisons m’ont habité. Je leur ai tout donné, l’eau, la chaleur, la lumière. Je leur ai donné ma sueur. Je leur ai accordé le repos dans ma vie sans repos. Je les ai enrichies. Je les ai quittées. Elles m’ont séduit et elles m’ont oublié. Notre première maison avait des vitraux et un cytise au balcon. Notre deuxième maison avait une galerie surplombant un rempart. J’aurais voulu passer des heures à la fenêtre, avec à l’arrière-plan une symphonie de Gustav Mahler; la huitième peut-être. J’ai vu des gens marcher là où naguère coulait l’eau. Je retenais leurs gestes. Je déplorais ma temporalité. Il fut un temps où je chassais toutes les maisons en moi. Dans ces années-là, je me suis perdu. Mais depuis, beaucoup de maisons m’ont à nouveau habité. Dans notre troisième maison nous renaissions. Dans notre quatrième maison je découvris le sang de ma morte préférée. Depuis, chaque maison m’a rapproché de ma soeur, même cette maison de verre que j’habite maintenant.
Traduction : Jacqueline Caenberghs
· Essays · Toneel |